L’enfer des « sans-papiers » africains
Paru dans Les Afriques – 12 avril 2012
"Paris, Mon paradis ", de la réalisatrice burkinabè Eléonore Yaméogo, redevient d’actualité, à l’heure où la question de l’immigration alimente les débats en France. Le film documentaire décrit la situation de migrants subsahariens qui s’échouent dans la capitale des Lumières. A les écouter témoigner de leurs souffrances, on en ressort avec le sentiment que la déclaration des Droits de l’Homme a du plomb dans l’aile.
La sortie en 2011 de « Paris, Mon paradis », de la réalisatrice burkinabè Eléonore Yaméogo, n’a pas laissé la critique et le public français indifférents. De part en part, le documentaire a suscité des réactions positives. Il a été perçu comme un outil pédagogique qui pourrait dissuader les postulants africains à l’émigration. Eléonore Yaméogo a rencontré des « sans papiers » africains qui vivent dans une extrême précarité à Paris, où ils sont nombreux à s’échouer. Ils ont témoigné de leur souffrance et de leur désarroi. On a ainsi pensé que cela servirait d’enseignement en Afrique, et qu’ainsi le flux de harragas, qui remontent le corridor sahélo-saharien en direction de « Paname » pour fuir la crise alimentaire, se tarirait.
A bien y regarder, on peut toutefois déceler un autre message. Celui d’une réalisatrice indignée qui a voulu sortir de l’anonymat ceux qui n’ont pas droit de cité et dont la parole est bâillonnée. On en ressort habité par un profond malaise et avec le sentiment que l’Humanité est bafouée.
Le microcosme parisien se mobilise en effet bien peu pour ces parias des temps modernes, et leur total dénuement ne choque pas. On est loin, dans ce contexte, de l’agitation qui prévaut lorsqu’il s’agit de porter secours et protection aux populations du monde en danger. « Je trouve que la politique de la main tendue n’est appliquée que lorsqu’il y a intérêt », convient Eléonore Yaméogo.
La politique d’immigration de la France est restrictive. En dehors du dispositif « Compétences et talents », qui offre quelques possibilités temporaires de séjour aux créateurs de richesse et aux vertueux footballeurs africains, le territoire français est verrouillé. Et ceux qui ont l’audace de déroger à la règle endurent les pires situations. « Le plus dur, c’est de laisser sa maison au Burkina et de venir dormir dehors en France », témoigne une jeune femme dans le documentaire.
Eléonore Yaméogo
« A la souffrance vécue par ces exilés s’ajoute la discrimination »
De passage à la Caravane des cinémas d’Afrique, Eléonore Yaméogo, réalisatrice de « Paris, Mon Paradis », répond aux questions de Les Afriques.
Les Afriques : Qu’avez-vous voulu révéler dans « Paris, Mon paradis » ?
Eléonore Yaméogo : L’objectif de ce film n’était pas de dire aux Africains de rester chez eux, mais plutôt de recueillir leur témoignage et de mettre en exergue leur souffrance morale. J’ai voulu montrer la galère que vivent ces immigrés. Cela révèle une autre facette de l’Occident. On a d’ailleurs le sentiment, en les désignant comme « sans-papiers », qu’ils n’avaient pas de véritable nationalité avant de venir.
LA : Quelle est votre réaction face à la situation vécue par les migrants subsahariens en France ?
E.Y : Les immigrés africains deviennent la cible des critiques des politiques qui font leur campagne sur leur dos. Je pense que ces réfugiés devraient trouver asile ailleurs, en Afrique. Car à la souffrance vécue par ces exilés qui vivent loin de chez eux s’ajoute la discrimination. Il est au demeurant aberrant de voir tant de diplômés africains – en situation régulière - occuper des emplois d’agent de sécurité ou de maître-chien.