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  • : VERONIQUE NARAME - JOURNALISTE
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LE CHOIX DE LA REDACTION

 

 

ALTERNATIVES INTERNATIONALES  n° 067

Juin 2015

       Boko Haram épuise le Cameroun

Par Véronique Narame
A Maroua et Minawao
 
couverture
                  

Depuis un an, le Cameroun fait face aux assauts meurtriers de la secte nigériane Boko Haram. Et contribue, depuis 2013, à l'accueil sur son territoire de 40 000 réfugiés nigérians dans le camp de Minawao.

 

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LE CHOIX DES INTERNAUTES

JUIN 2015

Algérie / Industrie électrique et électronique : Moderniser et restructurer

Algérie  / Maritime : L'Algérie combine mer et terre

Côte d'Ivoire / Socitech Groupe : Contribuer à la digitalisation de l'Afrique

Burkina Faso / Sibiri François Yaméogo, Styliste Modéliste

Algérie / Photo reportage au Salon international du livre d'Alger

Burkina Faso / Des infrastructures performantes pour l'industrie

 

 

5 janvier 2012 4 05 /01 /janvier /2012 07:32

 

Les graffs s’affichent à Tunis

 

Paru dans Arabies – Janvier 2012

 

La révolution tunisienne a entraîné dans son sillage la liberté d’expression. Les graffeurs d’aujourd’hui réalisent d’édifiantes fresques à ciel ouvert.

Ils s’appellent SK-One & Meen-One, ce sont les graffeurs de la Tunisie libérée. Ils investissent les murs qui bordent les terrains vagues, les hangars abandonnés, la Toile ou les réseaux sociaux. Ils bombent leurs états d’âme à coup de peinture aérosol. Leurs visuels éphémères font désormais partie du paysage. Rouge sang ou bleu électrique, à l’image de ce que vient de vivre le pays, les lettres se délient et écrivent leur partition dans un pays où l’expression artistique n’est désormais plus muselée.

Les nouvelles figures du street art tunisien ont pris les villes d’assaut. Leurs graffs s’affichent en 3D et en quadrichromie à Tunis, Gabès, Hammamet, Sidi Bouzid ou Tozeur. Art plutôt underground et contrôlé sous Ben Ali, il a droit de cité aujourd’hui, et s’expose au vu et au su de la foule, dans les lieux publics et les espaces privés. Il en est qui sont même allés jusqu’à taguer les résidences du clan présidentiel de naguère, investissant ces bâtisses aujourd’hui éventrées pour clamer leur espoir. D’autres œuvres, dont les contours ne sont pas sans rappeler la calligraphie arabe, s’accrochent sur les cimaises des galeries d’art.

Quelques graffeurs sont devenus des références à l’international. Précurseurs en matière picturale, ils customisent des vêtements et du mobilier, comme Jaye (Karim Latrous dans le civil), qui a vécu entre la Tunisie et la France. Il a ouvert la voie, devenant un designer de renom dans la profession. Figure montante de la discipline, il expose à Paris, New York et… Tunis ! Avec son complice Nilko, il a opéré dans de nombreux registres. Et les commandes affluent, que ce soit pour l’école des Beaux-Arts de Tunis où il réalise une performance artistique, ou pour un groupe de rap américain. Jaye et Nilko déposent leur griffe sur tous les supports : le hors-bord d’un champion, une série limitée de manteaux de cuir ou encore la décoration du plateau télévisé de l’Eurovision.

Plus récemment, c’est à la maison des Trabelsi que le Franco-Tunisien s’est « attaqué », au lendemain de la chute du régime. « Avec Selim Tlili, au pochoir, nous avons investi les lieux pour aller peindre cette fameuse maison. Nous avons organisé une mise en scène pour opérer en plein jour, devant le public. Ce site est à présent un lieu de pèlerinage », atteste Karim Latrous qui explique que la révolution l’a remotivé pour entreprendre de nouveaux graffitis.

Artistes mais aussi citoyens responsables dans cette Tunisie qui s’ouvre à la démocratie, Jaye, SK-One et Meen-one ont pris part à la campagne d’affichage en faveur du vote. Les variations du verbe voter – conjugué à l’impératif et décliné à la forme exclamative – se sont exposées à l’espace Mille Feuilles de La Marsa.

La dessinatrice Nadia Khiari, qui sévit quotidiennement depuis la révolution avec son personSelim-tlili-Mohamed-Bouazizi4.jpgnage Willis From Tunis, s’est jointe à eux. « Willis From Tunis a émergé pendant le discours « Je vous ai compris » du président déchu. Ce sont mes proches qui m'ont poussée à publier les dessins sur un profil Facebook afin qu'ils puissent les lire à distance durant ces longues nuits de couvre-feu », confie-t-elle à Tekiano.Com, un des sites web qui fait écho de l’actualité de cette discipline artistique, avec Wled El Banlieue.

De tous les combats. Le dessin, qu’il soit caricature ou graffiti, prend désormais une large part aux débats. Il est de tous les combats. Le dernier en date de Jaye est d’avoir conçu l’affiche de son nouveau concept : « la république islaïque de Tunisie ». Sa devise - liberté, solidarité, espoir, dignité, fraternité – est estampillée sur son site. Le graphi-peintre Selim Tlili s’est de son côté illustré avec une opération inédite : la vente sur Internet des parts pixel du portrait qu’il a peint du martyr de la révolution, Mohamed Bouazizi. Les fonds recueillis sont destinés au financement de deux projets de développement dans les régions les plus vulnérables du pays. 

Nombreux sont ceux qui emboitent le pas à ces disciples du street-art. « La Tunisie est en pleine effervescence artistique. Les peintres se lâchent. Avant le 14 janvier, le graff était encadré par le pouvoir et se limitait à des peintures sur toile qu’on exhibait dans des galeries d’art. On fait à présent des graffitis de rue visibles, qui sont de surcroît lisibles par tous. Ils délivrent des messages dont le contenu prône la tolérance », explique Jaye. Seul ombre au tableau, la peinture en aérosol est peu disponible sur le marché tunisien. Et se la procurer relève de la performance. C’est actuellement ce qui freine la production artistique. Mais il y a tout lieu de penser que ce problème sera graduellement résolu, grâce à des évènements qui participent à sa promotion. Comme celui qui a eu lieu cet été, autour des cultures urbaines, et qui a été largement médiatisé et soutenu par des mécènes.

Breakdance et cultures urbaines, un show organisé en juillet, à Carthage et Sidi Bou Saïd, a réuni pas moins de cinq pays autour des pratiques artistiques urbaines. Le ministère tunisien de la Culture et celui de la Jeunesse et des sports ont eu l’insigne mérite d’associer à cette manifestation d’envergure l’Institut français de Tunisie (IFT), le Goethe-Institut, le British-Council, l’Agence espagnole de coopération internationale (Aecid) et le réseau des instituts culturels nationaux de l’Union européennes (Eunic). « L'Institut français de Tunisie s'est beaucoup impliqué dans l’événement Breakdance et Cultures urbaines », convient Anne-Sophie Braud, chargée de mission culturelle à l’IFT.

Le Battle of the Year (Boty) a planté le décor à l’Acropolium de Carthage. Seize équipes de breakdancers ont exécuté des vrilles et autres figures acrobatiques à défier les lois de l’apesanteur. Les stars du graff tunisien étaient également conviées aux festivités. Leurs créations ont servi de toile de fond aux joutes chorégraphiques. Le street-art tunisien a ainsi connu son heure de gloire.

Le Boty Tunisia a permis aux meilleurs de décrocher une place pour la finale africaine au Zimbabwe, avant l’obtention du visa pour Montpellier, en novembre, lors du Braun du Boty. Cette finale mondiale voit s’affronter des danseurs – les Bboys et les Bgirls - des Balkans, d’Amérique centrale, d’Italie, du Brésil, du Japon, d’Inde, du Moyen-Orient...

En somme, l’art fédère là où les discours ne parviennent pas toujours à rassembler. Le constat vaut pour le graff - et plus généralement pour le street-art. Les cultures urbaines réussissent un tour du monde en beauté. Et la Tunisie prend toute sa part à présent qu’elle a reconquis son droit à l’expression.


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