Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

  • : VERONIQUE NARAME - JOURNALISTE
  • : Journaliste Contact : veronique.narame@free.fr | Twitter : @veroniquenarame
  • Contact

LE CHOIX DE LA REDACTION

 

 

ALTERNATIVES INTERNATIONALES  n° 067

Juin 2015

       Boko Haram épuise le Cameroun

Par Véronique Narame
A Maroua et Minawao
 
couverture
                  

Depuis un an, le Cameroun fait face aux assauts meurtriers de la secte nigériane Boko Haram. Et contribue, depuis 2013, à l'accueil sur son territoire de 40 000 réfugiés nigérians dans le camp de Minawao.

 

Lire la suite.

Recherche

LE CHOIX DES INTERNAUTES

JUIN 2015

Algérie / Industrie électrique et électronique : Moderniser et restructurer

Algérie  / Maritime : L'Algérie combine mer et terre

Côte d'Ivoire / Socitech Groupe : Contribuer à la digitalisation de l'Afrique

Burkina Faso / Sibiri François Yaméogo, Styliste Modéliste

Algérie / Photo reportage au Salon international du livre d'Alger

Burkina Faso / Des infrastructures performantes pour l'industrie

 

 

17 novembre 2014 1 17 /11 /novembre /2014 06:30

 

L’Afrique dans le club des hautes technologies

 

Paru dans Géopolitique africaine

 

N°52 Troisième trimestre 2014

 

 

Dans les laboratoires et les centre de R&D d’Afrique, dans les Fab Lab et les BarCamp, les chercheurs et ingénieurs inventent de nouveaux procédés. Qui l’optimisation des ressources hydriques, qui un programme de bancarisation, qui l’installation d’un parc technologique, qui la création d’un substitut de régénération osseuse injectable. Focus sur ces innovations qui révolutionnent le quotidien de l’Africain lambda.

 

L’innovation fut longtemps l’exclusive des pays à forte croissance industrielle. Disposant de ressources en quantité et d’infrastructures de formation de qualité, ils étaient en capacité de former des compétences à haute valeur ajoutée. Et investissaient des sommes considérables dans les centres de Recherche et de développement (R&D). Europe, Etats-Unis, Canada et Australie caracolaient en tête des palmarès High Tech. Ils inondaient le marché avec de nouveaux produits, optimisaient les moyens de production et de livraison, lançaient de nouvelles méthodes de commercialisation et d’organisation. L’arrivée des économies asiatiques sur le front de l’innovation a fait bouger les lignes. Tout comme celle des économies émergentes, Afrique du Sud incluse. Moteur de l’innovation sur le continent, Le Cap n’a pas tardé à faire des émules en Afrique. Si, dans les années 1990, ce sont les programmes de recherche agricole qui ont dominé, et en particulier dans les pays d’Afrique anglophone, aujourd’hui, c’est l’innovation médicale qui prévaut. Mais pas seulement. L’innovation technologique et industrielle essaime en tous lieux et s’engramme dans tous les secteurs stratégiques africains.  

 

 

Excellence et compétitivité

 

La recherche de l’excellence et de la compétitivité est un défi que les décideurs africains s’emploient à relever. La progression des pays d’Afrique subsaharienne dans le classement de l’édition 2014 de l’Indice mondial de l’innovation (GII) en est l’illustration. « La région de l’Afrique subsaharienne est celle qui a connu la plus nette amélioration dans le classement du GII, la Côte d’Ivoire se distinguant en gagnant vingt places et Maurice se hissant en tête du classement régional avec une progression de treize places par rapport à 2013 », note l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).  Sur les 33 pays africains pris en compte dans le classement du GII 2014, 17 ont amélioré leur performance. Parmi eux, le Sénégal, le Kenya, l’Ouganda, le Mozambique, le Rwanda, le Malawi, la Gambie et le Burkina Faso. L’Ile Maurice figure en 40ème position (sur 143 pays), les Seychelles à la 51ème place et l’Afrique du Sud en 53ème position, devant la Tunisie (78ème) et le Maroc (84ème).

 

Les raisons qui expliquent une telle progression, dans un contexte marqué par le fléchissement de la croissance mondiale de la R&D, sont multiples. Les améliorations apportées au cadre institutionnel et à la qualification de la main-d’œuvre - par un accès renforcé à l’enseignement supérieur - contribuent à cette avancée. Tout comme le renforcement des infrastructures, l’intégration aux marchés de l’investissement et du crédit, et la modernisation de l’environnement commercial.      

 

 

Malawi, Ouganda, Afrique du Sud :

Chefs de file de l’investissement

 

D’après une étude sur l’innovation produite par le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), le Malawi, l’Ouganda et l’Afrique du Sud sont les pays africains qui ont le plus investi dans la Recherche et Développement (R&D). En 2010, ils avaient dépensé plus d’1% du PIB dans la R&D, contre 0,20% à 0,48% sur le reste du continent.

 

Le Malawi est doté de plusieurs instituts de recherche, dont la majorité est dédié à la santé, a l’instar du Wellcome Trust, qui finance des programmes sur Ebola, sur le paludisme ou le VIH Sida. A noter aussi l’existence d’instituts de recherche agricole. En Ouganda, où les dépenses en R&D ont triplé entre 2005 et 2010, l’accent est mis sur la technologie industrielle. L’Etat, qui a obtenu un financement de 30 millions de dollars de la Banque mondial pour l’enseignement supérieur, soutient la recherche et l’innovation liées au processus de production, en particulier dans le développement agricole et l’agro-alimentaire. L’Uganda Industrial Research Institute (UIRI) est l’un des établissements de référence en la matière. Centre d’excellence en R&D à vocation sous-régionale, il a établi des coopérations scientifiques avec le Danemark, la Thaïlande, l’Afrique du Sud et l’Inde, et accompagne une trentaine de PME innovantes, parmi lesquelles des usines de transformation d’arachide et de viande, des unités de production d’emballage, de conception et de fabrication de produits dérivés du bois.

 

L’Afrique du Sud dispose du plus fort capital humain disponible pour les activités de R&D, avec une densité de chercheurs de 825 par million d’habitants. Sur le nombre, 40% sont des femmes. Vient ensuite le Sénégal, avec 635 chercheurs/million d’habitants. Ces deux pays ont aussi les pourcentages les plus élevés de titulaires de doctorats (PhD) parmi leur personnel R&D.

 

 

L’Afrique, source de talents

 

La force et la richesse du continent africain sont indéniablement son capital humain. Avec 1,2 milliard d’habitants, l’Afrique recèle de phénoménales capacités cognitives. Et la conjugaison de ces talents produit des résultats spectaculaires. A l’instar de cette imprimante 3D, conçue à partir de matériaux informatiques recyclés, qui a été élaborée dans un Fab Lab, à Lomé, au Togo. L’invention Made in Africa, fabriquée dans un espace d’innovation partagée, a été financée via une plateforme de crowdfunding. Et a figuré au palmarès du hackathon de la NASA, l’International Space Apps Challenge 2013.

 

D’autres espaces de coworking fonctionnent sur ce même modèle collaboratif. Parmi eux, l’incubateur d’entreprises CTIC à Dakar et le pôle d'innovation EtriLabs au Bénin. En Ethiopie, c’est tout un pays qui s’est rassemblé pour financer le barrage de la Renaissance, un gigantesque ouvrage construit sur le Nil Bleu. Shoki Ali Said, Ethiopien de la diaspora, témoigne : « L’infrastructure est entièrement financée par le gouvernement et le peuple éthiopien. A terme, le barrage subviendra non seulement aux besoins en électricité de l’Ethiopie, mais il fournira aussi de l’énergie au Kenya, au Soudan et à Djibouti ».  

 

Toujours en Ethiopie, une économiste est à l’origine de la création, en 2008, de l'Ethiopian Commodity Exchange (ECX), la première Bourse d'échanges de produits agricoles du pays. Quatre ans plus tard, ECX échangeait 600 000 tonnes de marchandises pour un montant total de 1,4 milliards de dollars. Et permettait à plus de deux millions de producteurs de café, de haricots et de graines de sésame d’améliorer leur marge tout en multipliant les volumes échangés. A présent, les produits agricoles s’exportent au Pakistan, en Inde, en Russie et aux Emirats arabes unis, en plus de l’Asie du Sud et de l’Amérique latine.

 

D’autres pays africains capitalisent sur l’expertise d’Eleni LLC pour lancer leur propre Bourse d’échange, tel le Cameroun et le Ghana. Aboubacar Sidy Sonko a pour sa part développé, au Sénégal, Mlouma, une Bourse en ligne disponible via SMS, Internet et Call Center, qui fournit des informations en temps réel sur le marché agricole. Dans le registre de l’informatique et des télécommunications, les projets foisonnent en Afrique. Au Kenya, le paiement par mobile a révolutionné les échanges monétaires. Exit la monnaie fiduciaire et les comptes bancaires, le règlement des achats et des factures s’effectue via un e-Compte disponible sur une carte SIM de téléphone portable.

 

 

Cercle vertueux

 

Mais l’innovation n’est pas circonscrite aux Technologies de l’information et de la communication. Elle est transversale à tous les domaines, notamment aux sciences de la vie, où la recherche contribue à relever le défi de la sécurité alimentaire. Pour accroître la productivité agricole et optimiser les ressources halieutiques, l’investissement dans le savoir scientifique augmente, tout comme la valorisation de certaines filières, telle l’aquaculture industrielle en Angola ou la culture du maïs dans les zones soudaniennes. Le Prix international Unesco-Guinée équatoriale concourt au soutien des travaux des chercheurs dans la discipline. En 2012, il a été décerné au botaniste sud-africain Felix Dapare Dakora. Cette année, le lauréat est Burkinabè. Expert en chimie des sols et en gestion des ressources naturelles, André Bationo a contribué à l’augmentation de la productivité agricole en Afrique. Déjà, le chercheur avait reçu le prix scientifique Kwamé Nkrumah 2013 de l’Union africaine. « Mes recherches ont portées sur la valorisation des phosphates naturels en Afrique. La technologie que j’ai développée est actuellement adoptée par des milliers de paysans de la zone sahélienne et a permis de doubler les rendements », explique le chercheur qui a notamment travaillé à l’Institut international de recherches sur les cultures des zones semi-arides (ICRISAT) au Niger et au Centre international d’agriculture tropicale (CIAT) au Kenya.

 

Un autre secteur porteur : les énergies renouvelables. Abdoulaye Kanté, Directeur de l’Agence de développement des entreprises en Afrique (ADEA), développe un projet de Technoparc dédié aux technologies solaires à Bamako, au Mali. Africa Sun Valley devrait voir le jour en 2015. « Le pôle de compétitivité réunira des activités de recherche, de formation, d’innovation et de production. Il va pourvoir aux besoins énergétiques du pays et soutenir la croissance économique », fait remarquer le dirigeant d’ADEA. Au Rwanda aussi, on capitalise sur le solaire. Henri Nyakarundi propose une solution énergétique d’un nouveau genre : une unité mobile de recharge de téléphones portables fonctionnant à l’énergie solaire. « Elle est spécialement conçue pour les Rwandais vivant dans des zones qui ne sont pas connectées au réseau électrique national », précise l’inventeur de cette solution innovante qui pourrait bien faire des émules. L’éclairage public en Sierra Léone pourrait tout autant inspirer les pays énergivores. Car il fonctionne aussi au solaire. « Depuis sept à huit ans, le centre ville de Freetown est éclairé par des lampadaires solaires, et le même procédé est utilisé au Cameroun », explique Thierry de Cottignies, à l’origine de l’installation, avec le constructeur Bouygues, des batteries qui fournissent de l’énergie solaire dans la capitale sierra léonaise.

 

Renforcer les capacités des ressources humaines en investissant massivement dans les sciences de l’ingénieur, c’est ce sur quoi ont parié les pays producteurs d’hydrocarbures et détenteurs de ressources minières. « L’Afrique du Sud, l’Egypte, l’Algérie, le Nigeria, le Kenya et la Tanzanie ont développé des capacités locales dans les sciences de l’ingénieur, en particulier l’ingénierie métallurgique et minière, la chimie et le génie chimique, ainsi que la physique - y compris la physique nucléaire et l’astrophysique. Avec en plus des poches d’expertise en croissance dans les domaines de l’électronique, des mathématiques et de l’informatique », indique le NEPAD.

 

L’Algérie, 2ème PNB per capita d’Afrique, attire les étudiants du continent. « Des bourses doctorales sont octroyées à des étudiants de plus de 20 pays africains, ainsi que des dotations aux gouvernements africains, parmi lesquels Madagascar, le Congo, le Mali, le Niger… », souligne un diplomate algérien. En matière de formation de compétences dans le secteur des hydrocarbures, l’université M’Hamed Bougara de Boumerdés est la référence. On y vient du Gabon et d’ailleurs pour se former et effectuer des recherches en génie physique, en pétrochimie ou dans d’autres disciplines. Au Nigeria et au Ghana, on assure aussi la formation des cadres techniques dans le domaine de la géologie, du forage, de la production… L'Association des producteurs de pétrole africains (APPA) a pour sa part créé, en Egypte, l’Institut africain du pétrole, lequel a démarré ses activités en juillet.

 

Le cimentier Lafarge, qui a investi 750 millions d’euros en 5 ans en Algérie, a ouvert un laboratoire de développement de la construction. La plateforme technologique a vocation à améliorer les modes constructifs dans le pays et à former localement des experts. « Le laboratoire d’Alger se veut être un acteur majeur du travail collaboratif avec le réseau académique. Il nous permettra de mieux participer aux efforts communs de Recherche & Développement dans le domaine de la construction », indique le Groupe français. 

 

Bolloré Africa affiche les mêmes objectifs. « Aujourd’hui, la très grande majorité de nos cadres sont Africains. Ils bénéficient de formations tout au long de leurs carrières, notamment au management. A ce titre, tous nos présidents de conseils d’administration sur le continent sont Africains, comme c’est le cas à Camrail (Cameroun), à Sitarail (Côte d’Ivoire / Burkina Faso), mais aussi au Togo, en RDC, au Ghana, au Nigéria, au Kenya… ».

 

Chez Orange aussi, on investit dans la formation sur le continent.

 

« En Afrique, on a l’enjeu de développement des compétences. La formation managériale s’effectue sur le site international Orange Campus, situé au cœur de la technopole de Dakar  », atteste François Jacob, Responsable développement des compétences international chez Orange.

 

Le continent transforme son économie en s’orientant vers des activités plus productives, qui requièrent davantage d’emplois qualifiés. En Tunisie, des activités industrielles à forte valeur ajoutée ont été développées, via des technopoles. Ces pôles de compétences combinent formation, innovation, transfert de technologie et production dans toutes les filières : mécanique et électronique, textile et habillement, biotechnologies, agroalimentaire, TIC, chimie verte… Au Gabon, c’est sur la filière bois que se concentrent les efforts pour créer de la valeur ajoutée. « Pour créer de l’emploi au Gabon et accroître les richesses du pays, l’exportation de bois brut a été interdite par les autorités. Depuis l’entrée en vigueur de cette mesure, en 2010, les opérateurs étrangers ont investi dans des usines de transformation des grumes. Et des entreprises se sont spécialisées dans le déroulage de contreplaqué et le placage », expliquait, en marge d’un forum, Fidèle Mengue Me Engouang, ex ministre gabonais des Petites et moyennes entreprises, de l'artisanat et du commerce.

 

Un exemple parmi tant d’autres des transformations qui opèrent sur le continent, avec la montée en puissance de l’industrie de pointe, la création de pôles technologiques et le développement de la recherche, qui font de l’innovation le moteur de la croissance économique et du développement de l’Afrique. 

Partager cet article
Repost0

commentaires