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  • : VERONIQUE NARAME - JOURNALISTE
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LE CHOIX DE LA REDACTION

 

 

ALTERNATIVES INTERNATIONALES  n° 067

Juin 2015

       Boko Haram épuise le Cameroun

Par Véronique Narame
A Maroua et Minawao
 
couverture
                  

Depuis un an, le Cameroun fait face aux assauts meurtriers de la secte nigériane Boko Haram. Et contribue, depuis 2013, à l'accueil sur son territoire de 40 000 réfugiés nigérians dans le camp de Minawao.

 

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LE CHOIX DES INTERNAUTES

JUIN 2015

Algérie / Industrie électrique et électronique : Moderniser et restructurer

Algérie  / Maritime : L'Algérie combine mer et terre

Côte d'Ivoire / Socitech Groupe : Contribuer à la digitalisation de l'Afrique

Burkina Faso / Sibiri François Yaméogo, Styliste Modéliste

Algérie / Photo reportage au Salon international du livre d'Alger

Burkina Faso / Des infrastructures performantes pour l'industrie

 

 

25 novembre 2010 4 25 /11 /novembre /2010 06:35

 

Au pays des fables de l’Ivoirien Kakou

 

Paru dansNew African - Novembre-Décembre 2010

 

livre.jpgOlivier Kakou est un ambassadeur itinérant de la culture africaine en France. Dans la veine des griots de son pays, la Côte d’Ivoire, il déroule le fil de l’histoire et conte les légendes de l’Afrique, mais aussi ses vérités. Ses spectacles sont destinés aux âmes sensibles et aux esprits débridés.

C’est à un voyage littéralement initiatique dans l’univers académique de la tradition orale des Abouré-Ehê auquel convie Olivier Kakou dans ses spectacles. Dans la veine des conteurs de cette région, le héraut de Grand-Bassam (est de la Côte-d’Ivoire) transporte son auditoire vers des contrées jusque-là inconnues qui mettent en scène le roi de Moossou et la reine Pokou. A Lyon et partout en France, il s’en va ainsi, troquant le bâton de pèlerin des troubadours contre le bâton de pluie, réminiscence du sceptre de la royale dynastie dont il est dépositaire des ancestrales coutumes. Dans le sillage de ceux qui ont contribué à la grandeur de la civilisation africaine, Kakou le conteur, le musicien, l’écrivain compose sa partition, empruntant de cet ailleurs qu’il transcrit en prose, dans des récits musicalisés qu’il transpose outre-Atlantique. Et qui pourraient débuter comme suit : « C’est l’histoire d’un peuple, le peuple des Abouré. Ils sont issus au même titre que les Ashanti de la lignée Akan. L’on raconte qu’après leur exode d’Egypte, et un premier foyer de peuplement au Ghana, les Abouré se sont établis à l’embouchure de la Comoé, un fleuve qui prend sa source dans la région de Banfora, en terre burkinabé. Ils ont alors bâti ce qui est devenu la première capitale de la Côte d’Ivoire. Entre mer et lagune, à Grand-Bassam, à l’endroit du littoral ivoirien où la Comoé se jette dans l’océan Atlantique, s’est en effet constitué le Royaume de Moossou… ». Ainsi s’écrit l’épopée de la famille des Abouré dont le conteur se plait à dévoiler quelques-uns des motifs, en entraînant avec lui tous ceux qui sont prêts à le suivre en pays ivoirien, et sur les routes des grands empires africains…

Ce noble héritage qui lui inspire ses récits, il le scénarise, dans chacun de ses spectacles. Et l’agrémente, tel le griot, de ses instruments, véritables caisses de résonnance de la culture africaine. Les sonorités du balafon, des congas et du djembé soutiennent son phrasé et irisent ses créations. Des vibrations de la sanza sourdent en écho les mythes fondateurs des grandes dynasties du continent. Kakou l’artiste va puiser à la source des traditions ses rythmes et ses fables. C’est l’histoire du petit Makamambié qui quitte sa famille fortunée d’Abidjan pour suivre son tuteur dans un village de brousse… « Le vieux et sage Baba N’douba qui joue à l’awalé avec un ami, appelle Alloubla, la mère de Makamambié et lui dit : " Viens t’asseoir près de moi et prends ton vaillant fils sur tes genoux. J’ai une histoire à lui raconter. Celle de Yoco Yoco le caneton… "». Du bestiaire du conteur surgissent moult incarnations venant d’Afrique. Il y a Tôpé l’araignée qui campe son personnage sous l’arbre à palabres, au milieu du village, tandis qu’un oiseau, autre animal coutumier de ses contes, s’envole pour s’abreuver à l’eau du marigot. En de multiples idiomes - bambara, abouré, baoulé, agni, appolo - le fabuliste, alors devenu chantre, entonne ses mélopées. Ses contes musicalisés naviguent ainsi de place en place, au gré des programmations.

A Ferney-Voltaire, c‘est à l’occasion de la Fête de la musique que l’artiste se produit, tandis que la bibliothèque de Lyon lui réserve le spectacle de son animation Cap sur l’Afrique. Lors du Festival africain solidaire, c’est aux côtés du Congolais Jacob Nalouhouna qu’il raconte ses histoires. Au sein de la Compagnie image aigüe, c’est, en filigrane, un peu de son âme d’enfant de Kumasi (commune d’Abidjan) qu’il communique à son jeune public. Et à ceux qui sont venus écouter ses fabliaux, il transmet à la volée la technique de frappe du tambour djembé. Dans les maisons de retraite ou dans les écoles, les mains se délient sous l’effet de ses enseignements et viennent percuter, en rythme, le tam-tam.

Pour que se prolonge encore longtemps l’enchantement après le spectacle, il consigne par écrit ses contes et signe « Est-ce que tu savais ? ». Dans cet ouvrage, on retrouve Makamambié qui va de découverte en découverte lors de son périple dans cette Afrique mosaïque, cette Afrique contrastée. Et qui va s’éveiller progressivement à la vie, aux côtés des anciens du village de Kami.

 

Le legs du continent africain à l’Humanité

La verve d’Olivier Kakou ne se tarit pas. Elle se nourrit pour cela du passé et de l’observation des faits contemporains. Au-delà de son champ disciplinaire, l’artiste se concentre sur les travaux de ceux qui ont contribué à la renaissance du continent africain et il décrypte leurs motivations. Parlant de celui qui présida, après l’indépendance, aux destinées de la jeune nation ivoirienne, il dit : « En cherchant à savoir quel était le dessein de Houphouët-Boigny, je découvre un homme visionnaire qui était capable de capitaliser sur les savoir-faire – non seulement des Ivoiriens mais plus largement sur ceux des Africains dont il s’était entouré des compétences, voire même sur ceux des Français. Il partait du postulat selon lequel l’intelligence n’a pas de nationalité et qu’en conséquence, elle peut être profitable à tout et à chacun. Il avait orchestré les échanges sur ce principe de base. Ainsi, tirait-il notamment partie de l’expertise de la France sur le plan de la commercialisation des produits tels le café et le cacao, en contrepartie de son assistance à la lutte contre le paludisme. ». De la même manière, il se centre sur les analyses de Hampathé Bâ, le gardien des cultures orales, dont il s’imprègne des pensées et dont il compulse l’œuvre. Il réfère aussi au peintre plasticien franco-togolais William Adjété Wilson, à la figure de proue du reggae ouest-africain Tiken Jah Fakoly, et à celui qui a ouvert la voie, Alpha Blondy. Il cite encore en exemple l’astrophysicien malien Modibo Diarra, expliquant au final que son énergie créatrice provient de celle de tous ces personnages qui ont cru en l’invention d’un nouveau monde, et se sont arrimé à l’espoir de voir un jour le continent africain renaître de ses cendres.

Au pays de Voltaire, au pays des Lumières, Kakou l’Africain part à la reconquête de son histoire. Peu lui importe d’ailleurs que le lieu de sa résidence soit ici ou là-bas puisqu’il n’a jamais oublié qu’il était issu de la grande famille de l’Humanité et qu’il se sait, au demeurant, digne fils de Mama Africa. Et si, d’aventure, l’incompressible besoin de revenir aux sources se fait sentir, il s’installe au sommet des monts du lyonnais, surplombant la ville aux deux cours d’eau. Rejaillissent alors le bruissement du fleuve Comoé et les embruns de l’océan de la côte ivoirienne. Reviennent en mémoire tous ces tableaux du temps jadis, de ce pays où - en dépit des mauvais coups du sort – l’on s’efforce de maintenir vivace les cultures et les traditions pour unir les membres de la communauté. L'ombre salvatrice du grand arbre, l’initiation aux techniques de chasse à l’antilope, les danses sacrées, la fête de générations… tout cela, il se le réapproprie. Réactivant ces rituels dont tout son être est parcouru, il récrée cet environnement qu’il a dû quitter.

C’est en effet en août 2002 que ce fils du soleil, comme il aime à se présenter, est arrivé en gare du Nord, à Paris. A l’issue d’une migration à l’intérieur des terres, le long du couloir rhodanien, il s’est finalement établi à Lyon. Depuis lors, il n’a eu de cesse de nouer des liens entre ses deux pôles d’attraction, la France et la Côte d’Ivoire, pour redonner à la jeunesse du pays où il a vu le jour cet enseignement dont il est à présent légataire. Dans cet esprit, il crée, avec son épouse Anne-Lise, l’agence de production multimédia Sagali, qu’ils conçoivent comme un instrument de communication au service de la promotion des échanges entre l’Afrique et l’Europe. Ils réalisent des films et des clips qui rapprochent encore davantage ces deux hémisphères. A leur actif, un document audiovisuel produit à l’occasion d’une journée dédiée aux partenariats franco-burkinabé et qui inaugure cette volonté de s’inscrire durablement dans cet aller-retour entre la France et, plus largement, l’Afrique de l’Ouest.

Ainsi s’organise l’existence d’Olivier Kakou. Toujours à la recherche de son Graal, c’est finalement dans ce mouvement oscillatoire que se complait le personnage, qui ne peut, en somme, trouver son équilibre qu’en gravitant entre la base et son sommet. Déjà, au pays, son parcours l’avait conduit à explorer in extenso le territoire. Originaire du Sud, du berceau du royaume Moossou, il avait passé son enfance à Abidjan. Plus tard, le destin l’avait ensuite conduit quelques années au village Kami, près de Yamoussoukro. Puis il s’était réacclimaté à la mégapole abidjanaise. Sa quête philosophique l’avait plus tard conduit à parcourir la Côte d’Ivoire. Au départ d’Abidjan, il avait remonté à contre-courant les affluents du Bandama, faisant étape à Bouaké (centre) et à Ferkessédougou (nord). Et comme l’avaient entrepris avant lui ses pairs, qui avaient arpenté d’est en ouest l’Afrique, d’Aniwan-Aniwan à Alsam, il avait traversé les frontières. A Accra, il était revenu sur les pas de ceux qui, dans un lointain passé, étaient partis à la recherche de lieux hospitaliers où s’établir. Au Mali, il était allé chercher le savoir auprès du peuple Dogon. Au terme de ce parcours, il s’était ensuite envolé pour la France.

De l’Afrique à l’Europe, il n’y a qu’un pas, qu’Olivier Kakou a franchi. Cette expérience, il l’offre en partage à son public, auquel il fournit un ticket d’embarquement pour un voyage de découverte de la culture du peuple Abouré-Ehê du Royaume de Moossou.

 

 

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