Au rythme des changements
Paru dans Arabies, Mensuel du monde arabe et de la francophonie - Novembre 2009
Ces dernières années, des signes du changement se font sentir en Algérie. Des opérations d’envergure sont en cours de réalisations dans ce pays où tant de choses sont à entreprendre après des années de restrictions financières drastiques et une longue période d’instabilité politique qui a finalement été endiguée. Au regard de ce passif, il est certain que les évolutions n’ont ni la dimension ni l’éclat de ce que l’on a l’habitude de voir sous d’autres latitudes. Mais foin de comparaisons ! Tentons plutôt de saisir quelles sont les prétentions de ce géant africain (le plus grand pays du bassin méditerranéen et le deuxième en superficie du continent) et qu’en est-il de son développement.
Sur tous les fronts - logement, éducation, santé, culture, industrie, transports, eau et environnement…-, l’Etat diligente ses moyens. En 2001, 7 milliards de dollars ont ainsi été injectés pour améliorer l’infrastructure et les services de transport, et pour développer le réseau public de distribution d'eau. De même ont été impulsés des projets visant à la revitalisation de la production agricole. En 2004, plus de 50 milliards de dollars ont été attribués au financement du Programme de soutien à la relance économique (PSRE). Un Programme complémentaire de soutien à la croissance (PCSC) a suivi, entre 2004-2009. L’été dernier, des investissements d’un montant de 107 milliards d’Euros ont été destinés à des travaux d’infrastructures.
L’économie algérienne reconstruit, selon des modalités et une cadence qui lui sont propres, ses référentiels. Elle est dominée par l’industrie des hydrocarbures, dont les revenus sont liés aux prix du pétrole et aux cours du dollar. Mohamed Meziane, patron de Sonatrach, confirmait d’ailleurs récemment que la conjoncture économique mondiale actuelle avait engendré une baisse de la demande d'énergie. Pour autant, cette ressource a permis au pays de solder sa dette, d’impulser des projets « de première nécessité » et d’attirer des investisseurs et des entrepreneurs étrangers. Ainsi a-t-il été possible de suppléer aux manques occasionnés par une crise interne, aux désastreuses conséquences tant matérielles qu’humaines, en parant au plus pressé : assurer la sécurité physique et alimentaire des personnes, garantir le logement, l’éducation et la santé.
Parallèlement, pour maximiser le potentiel économique, différentes mesures sont décrétées par les pouvoirs publics. Elles sont dotées des ressources idoines. L’objectif vise notamment à la diversification de l’industrie, de sorte que le pays réduise sa facture d’importation de produits manufacturés. Quelque 75 % des biens de consommation sont en effet importés, ce qui induit donc que se substituent à ces mêmes produits des marchandises fabriquées localement par des entreprises nationales ou privées.
Si ces multiples interventions ont permis de consolider les bases de l’industrie algérienne de demain et d’en enclencher le processus, tout ne fonctionne pas pour autant à flux tendus. La gestion de la chaîne logistique n’est pas sans poser de problèmes - ce qui occasionne des pertes pour les entreprises et les particuliers. Les efforts concourant à l’élévation de la qualité de vie de la population ne sont pas totalement parvenus à contenir les phénomènes de paupérisation. On attend également la concrétisation de certains projets d’investissement ainsi que la montée en puissance de l’industrie manufacturière hors hydrocarbures.
Remédier aux dysfonctionnements. Les causes de ces dysfonctionnements sont de diverses natures. La crise financière internationale constitue l’une de ces raisons. En Algérie, comme partout ailleurs, les répercussions sont palpables et ses effets ont été de ralentir les investissements. A l’instar notamment du groupe émirien Emaar, positionné sur plusieurs projets immobiliers. Emaar a annoncé, cet été 2009, la fermeture de son bureau à Alger.
Pour autant, la croissance de ce marché émergent qu’est l’Algérie se poursuit, malgré la crise. En septembre 2009, l’Agence nationale pour le développement de l’investissement (ANDI) faisait état d’une hausse de 47 % des projets d’investissement, au cours des six premiers mois de l’année, par rapport au premier semestre de 2008. « Cette performance, réalisée au premier semestre, s'explique notamment par l'importance des avantages fiscaux et parafiscaux octroyés aux investisseurs ainsi que par les mesures de facilitation et de simplification des formalités d'investissements mises en place à travers le développement du réseau des guichets uniques », confirme Abdelkrim Mansouri, directeur général de l'ANDI.
Il se pourrait même que le marché algérien constitue une opportunité très appréciable en ces périodes de récession, et que cela profite à la relance de l’investissement sur son territoire, a fortiori depuis que le climat des affaires s’est amélioré.
C’est du reste l’autre raison qui expliquerait pourquoi les projets tels que précédemment initiés en Algérie n‘avaient pas forcément tous abouti en temps voulu. En effet, par le passé, les entreprises étaient fortement soumises à l’impôt. La gestion de l’octroi de permis de construire et la direction des travaux de construction étaient plus aléatoires. Quant au traitement des cas par la justice, il était moins performant. En outre, le système de transfert de propriété était complexe et coûteux. Mais la situation s’est améliorée. « La Banque mondiale a salué les résultats positifs des réformes engagées par l’Algérie pour l’amélioration du climat des affaires, notamment en matière du système fiscal des entreprises, du fonctionnement du secteur de la justice ainsi que dans les procédures de transfert de propriété et de construction », était-il mentionné sur le portail du gouvernement algérien, au mois de septembre 2009.
A cela s’ajoute la réduction des délais et des coûts des procédures de création d'entreprises afin de les mettre au niveau des standards régionaux. En outre, le ministre algérien des Finances, Karim Djoudi - cité par Algérie Presse Service, en octobre, indique que le projet de la loi de finances 2010, en cours d'examen, prévoit une baisse de la pression fiscale et le soutien aux Petites et moyennes entreprises (PME). Si la part des opérateurs privés dans l’économie demeure réduite (75 % du secteur industriel dépend du domaine public), gageons que ces mesures vont encourager leur développement. L’Etat a également décidé de soutenir ses entreprises industrielles publiques pour qu’elles soient plus compétitives et a annoncé qu’il allait revitaliser en particulier celles des secteurs de la mécanique avancée, de la fabrication d’équipement et de la production d’acier. Le pays entend également promouvoir de nouvelles industries structurantes (construction automobile et technologies de l'information et de la communication) et les industries agroalimentaires.
Enfin, l’autre facteur déterminant pour l’accélération du mouvement est bien l’atout humain. C’est ainsi que s’annoncent les changements les plus significatifs dans un pays où la population est jeune, dynamique, et où le taux de scolarisation est élevé. Les pouvoirs publics ont bien intégré ce paramètre à leur schéma directeur. Il est du reste à l’ordre du jour du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale. « Le dialogue social pour promouvoir l’économie et l’investissement national », c’est le thème qui a été abordé, en septembre, par le ministre de tutelle.
Les conditions sont aujourd’hui réunies pour que l’Algérie confirme sa position sur l’échiquier du commerce international. Le pays est en route vers le changement, soutenu en cela par une nouvelle génération de décideurs et de manageurs déterminés à aller de l’avant. L’impulsion a été donnée, et le rythme s’accélère, entraînant progressivement dans son sillage une foule qui va grandissant et qui s’achemine sûrement vers des lendemains prometteurs.
Paru dans Arabies, Mensuel du monde arabe et de la francophonie - N° 271 - Novembre 2009