Burkina : cultiver le coton ne guérit pas de la pauvreté
Paru dans Les Afriques - 23 au 29 juin
2011
Qu’en est-il réellement de l’économie du coton au Burkina Faso ? Opportunité ou pis-aller ? Les avis sont partagés.
Les cotonculteurs ont manifesté, en avril, dans les rues de Bobo Dioulasso, réclamant la baisse du coût des engrais et la hausse du prix d’achat du coton graine. Sur le premier point, l’Etat a accédé à ces demandes en dégageant une enveloppe de 6,1 milliard FCFA pour subventionner l’achat d’intrants. Il n’a, en revanche, pas satisfait à la deuxième revendication d’une partie des producteurs qui demandaient que soit payé 500 FCFA le kilo de coton graine, contre 245 FCFA actuellement.
Culture de rente
Ce mouvement de protestation a de nouveau mis sur la sellette cette culture de rente qui est régulièrement l’objet de commentaires contradictoires. D’un côté, il y a ses défenseurs. De l’autre, ses détracteurs, comme la Banque mondiale qui considère que le pays est trop fortement tributaire du secteur cotonnier et qu’en conséquence,« l’économie est particulièrement vulnérable aux fluctuations des prix du coton et aux effets des variations climatiques sur les campagnes agricoles. » Taladidia Thiombiano, professeur d’économie à l’université Ouaga II, fait par ailleurs remarquer que si la filière crée de la richesse (le coton pourvoit à 30% des revenus de la population et il a généré une valeur ajoutée de 78 milliards de FCFA, ce qui correspond à 2,64% du PIB en 2008), elle ne contribue pas de manière significative à la réduction de la pauvreté. Pour preuve, la région du Mouhoun, où est concentré le plus gros de la culture du coton, est classée seconde au registre de la pauvreté. On constate également qu’au plan du développement humain, le Burkina Faso figure au 161ème rang sur 169 pays, dans le dernier Rapport mondial 2010 du Programme des Nations-Unies pour le développement (Pnud).
Relative performance
Les raisons qui expliquent cette toute relative performance de la culture cotonnière, quant aux gains qu’elle procure aux planteurs, sont multiples. Pour l’Association interprofessionnelle du coton du Burkina, la dégradation de la situation est une conséquence directe des subventions accordées aux cotonculteurs dans les pays industrialisés. Ce qu’avait du reste dénoncé le président burkinabé, à la tribune de l’OMC, en 2003. « Nos producteurs sont prêts à affronter la concurrence sur le marché mondial du coton pour peu que celle-ci ne soit faussée par les subventions », avait-il déclaré. Pour l’heure, cette concurrence perdure et contraint les producteurs burkinabés – et africains – à s’aligner sur des prix qui tirent vers le bas.
A contrario, la facture des intrants (engrais et pesticides) augmente. A charge donc pour les sociétés cotonnières – en particulier la Société burkinabée des fibres textiles (Sofitex) – de mobiliser les fonds pour l’acquisition des produits phytosanitaires Le financement est assuré par un pool bancaire local et par des banques étrangères qui interviennent aussi en appui à l’achat du coton graine, d’équipement et de matériel. Ces partenaires jugent quant à eux favorablement les performances de la filière coton. « Peu nombreux sont les Etats en Afrique qui soutiennent le coton comme le Burkina Faso. Ce sont ces raisons qui militent en faveur du soutien massif des banquiers à la Sofitex », soulignait Ecobank, chef de file du pool bancaire national, en janvier 2011.
Pour HSBC, représentant du pool bancaire international, le coton africain - et en particulier burkinabè - est en bonne position. « La filière africaine a connu un développement fort, elle a amélioré sa qualité et sa fiabilité. C’est un fait reconnu par toutes les grandes sociétés qui achètent et continueront d’acheter, surtout au Burkina Faso. »
Il reste cependant des défis à relever pour améliorer la compétitivité de la filière sur le marché mondial et hisser vers le haut les revenus des producteurs de coton. Il incombe à présent à Gomdaogo Jean-Paul Sawadogo, qui vient d’être nommé directeur de la Sofitex, en remplacement de Célestin Tiendrebeogo, de s’employer à cette tâche.