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  • : VERONIQUE NARAME - JOURNALISTE
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LE CHOIX DE LA REDACTION

 

 

ALTERNATIVES INTERNATIONALES  n° 067

Juin 2015

       Boko Haram épuise le Cameroun

Par Véronique Narame
A Maroua et Minawao
 
couverture
                  

Depuis un an, le Cameroun fait face aux assauts meurtriers de la secte nigériane Boko Haram. Et contribue, depuis 2013, à l'accueil sur son territoire de 40 000 réfugiés nigérians dans le camp de Minawao.

 

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LE CHOIX DES INTERNAUTES

JUIN 2015

Algérie / Industrie électrique et électronique : Moderniser et restructurer

Algérie  / Maritime : L'Algérie combine mer et terre

Côte d'Ivoire / Socitech Groupe : Contribuer à la digitalisation de l'Afrique

Burkina Faso / Sibiri François Yaméogo, Styliste Modéliste

Algérie / Photo reportage au Salon international du livre d'Alger

Burkina Faso / Des infrastructures performantes pour l'industrie

 

 

31 décembre 2009 4 31 /12 /décembre /2009 11:45

SOUFISME


« La Voie du cœur de l’Islam »

 


Voyage en mystique soufie

 

D’aussi loin qu’apparut l’Islam, le Soufisme fut. Car de toute époque, le Tasawwuf fut là, pour rappeler l’être à cette impérieuse sagesse du cœur. 

Du Maroc, d’Algérie, de Tunisie, d’Afrique subsaharienne, d’Egypte, d’Iran, d’Inde, du Pakistan et d’Afghanistan, de Syrie, de Palestine et d’Irak, de Turquie, de France, d’Europe ou d’Asie, les voies soufies confluent à la source de l’Islam.

 

Cette tradition spirituelle millénaire, intrinsèquement inhérente à l’Islam, est tout à la fois science et foi enseignées par des maîtres inspirés par le divin, et expérience vécue par les disciples qui ont été initiés. L’intention est de prédisposer à l’élévation de l’être, d’inciter à la recherche de l’excellence et de la noblesse dans le comportement, d'accepter son semblable en privilégiant la paix plutôt que le conflit.

 

  

 De l’Islam et des Soufis

Ainsi se sont distinguées, dès les premiers siècles de l’Hégire, des personnalités douées d’une spiritualité qui leur a conféré une aura dont le rayonnement a agi sur leurs semblables.

Rabi’a al-‘Adawiyya fut l’une d’entre elles. Au 8ème siècle, cette mystique soufie a marqué les consciences. « Je ne veux pas adorer par crainte ni pour une quelconque promesse, mais simplement pour l’amour de Dieu », déclamait la poétesse dans des stances à la gloire d’Allah.

 

En d'entre temps, il y eut Al-Ghazâlî (1058-1111), qui fut l’un des plus grands penseurs musulmans influencés par la science du Tasawwuf - ou Soufisme. Pour Ibn Khaldoun, Ihya' `Ulum ad-Din (Revivification des sciences de la foi), l'œuvre d'Al-Ghazali,  a permis à la spiritualité soufie de devenir une discipline traitée avec méthode au sein de l’Islam. Il écrit à ce sujet : « Les Soufis se sont donc constitué une science particulière, que les autres docteurs en droit canon ne discutent pas. Par suite, la science de la Loi religieuse se divise en deux branches. La première est celle des juristes et des jurisconsultes : elle traite, en général, des lois qui régissent le culte, les usages et les rapports sociaux. L’autre est spéciale aux Soufis : elle concerne les exercices spirituels (al-mujâhada) et l’introspection corrélative, l’exposé des divers modes de « gustation » (spirituelle ou dhawq, le « goût » littéraire) et d’extase, le procédé d’ascension d’une gustation (mystique) à l’autre et enfin l’explication des termes techniques ».

 

Il en est pourtant qui vont s'opposer à l’Islam spirituel des Soufis. Durant le règne des Almoravides, les docteurs de la religion vont lancer un anathème contre l’œuvre d’Al-Ghazâlî, lequel considérait alors que les fouqaha (les jurisconsultes) voulaient réduire la religion à son seul aspect juridique et négligeaient par la même sa dimension spirituelle.

A Cordoue et à Marrakech, l’autodafé d’Ihya' `Ulum ad-Din sera alors organisé par un pouvoir paradoxalement issu d’un ribat soufi. Mais l’esprit de l’œuvre d’Al-Ghazâlî survivra et continuera malgré tout d’essaimer.

 

Lui succèdera Abû Madyâne al-Ghawt de Tlemcen (Algérie), qui diffusera les gemmes de cette sagesse au Maghreb, et sera le guide du grand saint - ou wali - marocain Abd as-Salâm Ibn Mashîsh (1140-1223), ainsi que du maître andalou Ibn ‘Arabi, né en 1165 à Murcie, en Andalousie.

Philosophe et théologien, ce dernier, qui est considéré comme le « sommet de l’ésotérisme universel », sera l’une des figures majeures du Tassawwuf. Ses travaux (plus de 800 ouvrages) auront une influence certaine sur la théologie musulmane, et plus encore. On dit qu’il aurait inspiré la mystique chrétienne.

A même époque, les Berbères Almohades originaires de l’Atlas s’imprègnent des pensées du fondateur de la théologie « médiane », qui allie foi et raison, d'Abû al-Hassan al-Achaari (873-935), ainsi que de celles de Al-Ghâzalî, via le réformiste soufi Muhammad Ibn Tûmart, influencé par ces mêmes penseurs.

 

Maître soufi né à Balkh, en Afghanistan, Jalâl ud-Dîn Rûmî, l’un des plus grands mystiques persans du 13ème siècle, est pour sa part l’initiateur d’un riche enseignement. Sa quête mystique le mènera de Nichapur à La Mecque, puis à Konya, en Turquie, où il est enterré. On lui doit la fondation de la confrérie des Derviches Tourneurs. 

 

Ibn Khaldoun, qadi, juriste, philosophe et historien, père fondateur de la pensée sociologique, est l’un des autres personnages emblématiques de la pensée soufie. Il y consacre un chapitre dans les Mouqaddimat, ainsi qu’un ouvrage écrit entre 1372 et 1374 : Shifâ’ al-sâ’il wa tahdhîb al-masâ’il, traduit par La Voie et la loi ou Le Maître et le juriste, par René Pérez.

 

Emir.jpgUne autre grande figure essentielle du Soufisme est l’Emir Abd al-Kader. Chevalier de l’indépendance de l’Algérie, cet homme doué d’une érudition hors pair, tout à la fois passé maître dans la connaissance de la philosophie grecque, des sciences naturelles autant que de la spiritualité, ce héros doté d’un exceptionnel charisme se révèle être un brillant stratège. Il adopte dans le même temps le comportement chevaleresque, al-Futuwwa, qui sied aux combattants respectueux des valeurs humaines.

A Brousse (Turquie), il écrit Lettre aux Français, en 1855, un livre adressé aux académiciens dans lequel il affirme : « Si venait me trouver celui qui veut connaître la voie de la vérité, je le conduirais sans peine jusqu’à la voie de la vérité, non en le poussant à adopter mes idées, mais en faisant simplement apparaître la vérité à ses yeux de telle sorte qu’il ne puisse pas ne pas la reconnaître ».

 

Le même siècle, au Sud du Maroc, Shaykh Ma al-Aïnain, grand guide spirituel établi en 1870 à Chinguetti (Mauritanie), combat par la force de l’esprit pour défendre les valeurs citoyennes. Il migre dans la région de la Seguiet al-Hamra, où il rédige des traités de théologie mystique, de droit, des oeuvres de grammaire et de poésie dans la première zaouïa qu’il édifie. Il fonde la ville sainte de Smara. Dès 1907, Sidi al-Mokhtar Ben al-Hadj Mohyi-eddine Boudchiche, grand saint de la région de l’Oriental, au Nord du Maroc, chef de la confrérie religieuse des Qadiriyya Boudchichiyya, est à son tour une figure légendaire de la résistance.


 

Une spiritualité qui essaime en Europe

 

Loin d’inspirer la seule communauté musulmane, ces belles âmes et leur enseignement inspirent l’Europe mystique.

 

Moïse Maïmonide, l'une des sommités de l'histoire du peuple juif et du judaïsme, est l’un de ceux-là. Philosophe né à Cordoue, en 1135, médecin à la cour de Salahdine, il rencontre le rabbin de Cordoue, le sultan almohade Abd al-Mou’min, disciple et compagnon de Mohammed Ibn Tûmart.

 

Les grands maîtres de la pensée médiévale chrétienne, dont Saint Thomas d'Aquin (1225-1274), s'inspirent aussi de cet esprit. Il est dit que c'est ce qui ouvrira la voie à l'idée d'une complémentarité possible entre la philosophie et la théologie, et que cette influence sera fondatrice de la scolastique chrétienne.

 

De la même manière, l'islamologue Eric Geoffroy écrit que dans les milieux spiritualistes contemporains d’obédience chrétienne, il est affirmé  que les voies soufies ont nourri des organisations d’Europe. Certains historiens précisent d'ailleurs que l’art héraldique de la chevalerie européenne aurait une dette à l’égard de la Futuwwa du monde musulman. René-Louis Doyon rapporte pour sa part que le piétisme très méticuleux, et l’architecture si raisonnée et si habile de la mystique des Qadiriyas, aurait inspiré les Exercices spirituels de Saint Ignace de Loyola (1491 - 1556). « Inigo aurait connu et pratiqué des traités kadryas en Espagne et les aurait adaptés à son génie pendant sa retraite de Manrèse » dit-il.

 

Au 19ème siècle, dans son Voyage en Orient, Gérard de Nerval témoigne de sa profonde fascination pour lesAout-2011-1453.jpg Derviches du Caire et d’Istanbul, et l’écrivaine Isabelle Eberhardt passe le pas en entrant en mystique soufie. René-Louis Doyon écrit à ce propos : « Isabelle est entièrement musulmane ; elle entre dans une des sociétés plus ou moins secrètes affiliées aux Khouans : les Kadryas ; peut être songe-t-elle parfaire une éducation mystique et s’initier au soufisme qui l’eût conduite à devenir une maraboute ? […] Cependant, rien ne révèle une si haute initiative dans les écrits d’Isabelle ; rien de secret dans sa vie, pas même la mysticité. Quoiqu’il en soit, elle est la protégée de toute une famille, l’oblate d’une société fraternelle et pieuse ; son champ de connaissances et de pénétration en est plus étendu. »

 

Au 20ème siècle, Louis Massignon oeuvre à la redécouverte du poète et mystique persan Al-Hallâj (né en 857) dont il traduit le Dîwân, et Henry Corbin écrit L’homme de lumière dans le soufisme iranien ainsi que L’imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn Arabi.

 

René Guénon diffuse également l’esprit du Soufisme en France. Il a eu une influence marquante sur les Surréalistes Raymond Queneau et André Breton, et serait, selon Eric Geoffroy, le principal artisan de la pénétration du soufisme en France. « Sa pratique islamique et son appartenance soufie ont pourtant été marquées du sceau de la discrétion, mais son œuvre ainsi que la correspondance qu’il a entretenue avec beaucoup de ‘‘chercheurs de vérité’’, a déterminé l’entrée dans la Voie de nombreux Français ; ceux-ci seront souvent affiliés à la même voie-mère que Guénon, la Shâdhiliyya, qui a généralement incarné un soufisme sobre et lettré ».

 

Eva de Vitray-Meyerovitch, qui fut directrice du service des sciences humaines au CNRS et professeur de philosophie comparée à l’université de Al-Azhar au Caire, s'est attaché à la traduction d’un des trésors de la littérature mystique musulmane : le Mathnawî de Rûmî. Pour cette mystique qui a dédié sa vie à l’œuvre de son maître, le but de toute recherche spirituelle, « c’est en nous, au plus profond de nous que nous devons le chercher. Et quand nous l’avons trouvé, il n’y a plus rien d’autre. »

 

A notre époque, nombre de Francs-Maçons - notamment de la Grande Loge de France et du Grand Orient - viennent chercher des éclaircissements sur leurs propres traditions dans le Soufisme et recréent cet esprit ésotérique que les sociétés occidentales ont parfois galvaudé.


 

L’art et la culture soufie


Pour cheminer dans la mystique soufie et s’élever spirituellement, les Soufis s’initient aux valeurs chevaleresques de la Futuwwa.

 

« L’on s’attache à la recherche de la noblesse du geste et du comportement, et à l’alliance entre la rigueur et la capacité d’invention. C’est l’une des portes par laquelle se révèle la divinité, se manifeste en quelque sorte al hadra, la présence de Dieu », atteste Faouzi Skali, anthropologue et auteur de nombreux ouvrages sur le Soufisme.

 

Les arts et la culture font intrinsèquement partie de l’environnement soufi, comme autant d’odes à l’amour et à la possible communion des cœurs.

189_8935.JPGLe Samaâ, danse cosmique sacrée  interprétée par les Derviches tourneurs de Konya, est l’une de ces déclinaisons. « Ronde vertigineuse des atomes et des planètes », selon l’expression de Eva de Vitray-Meyerovitch, le Samaâ a été créé par Rûmî. « Plusieurs chemins mènent à Dieu. J’ai choisi celui de la danse et de la musique… Dans les cadences de la musique est caché un secret. Si je le révélais, il bouleverserait le monde » écrivait-il.

Le Samaâ s’exprime également à travers des poésies chantées a capela et des chants sacrés. Il se traduit par audition spirituelle. Se transmet de la sorte l’émotion exaltée qui transporte l’âme vers des contrées où la majesté de Laïla n’a d’égal que l’indéfectible élan d’amour que lui voue Qays.

A cela s’ajoute le Dhikr, invocation des noms divins dont le souffle procure à l’âme cette ivresse, al khamra, cette extase qui donne sens à l’idée d’un accomplissement, entre ciel et terre, de l’être humain.

« Les mystiques de l’Islam ont su tirer des lettres les variations les plus étonnantes », souligne Nadjm oud Dîne Bammate, Soufi d’Asie centrale, qui a été directeur de la Division de philosophie et sciences humaines et du département culturel à l’UNESCO. Ghani Alani, maître calligraphe issu de Baghdad, a découvert  le chemin de la vie intérieure avec le Soufisme .

 Aujourd’hui encore, au Maghreb et en Afrique, au Proche et Moyen-Orient, en Asie, en Europe et Amérique, les voies soufies - ou Tourouq (pluriel de Tariqa)- rassemblent leurs disciples. Organisées en confréries autour de leurs maîtres, légataires de l’enseignement de ceux qui ont été précédemment leur guide spirituel, les Tourouq dispensent leurs valeurs humanistes et mettent en lumière leur inclination à la recherche de l’harmonie et de la beauté.

On peut goûter de cette « saveur » soufie lors des nombreux Moussem qui ont lieu au Maroc, où encore durant les Waâda, sur le versant algérien. En Turquie aussi, et partout où s’enracine le soufisme, des évènements célèbrent la foi soufi.

 

La Voie soufie Alâwiyya, dont le maître spirituel est Cheikh Khaled Bentounès, mystique soufi parmi les mystiques, distille le même message à Mostaghanem (Algérie)..

 

 



Emission Si loin Si Proche - Le Magazine des voyages - RFI - Ziad Maalouf - 2009 >> Lien vers le blog de l'émission sur le Soufisme >> link

 

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