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  • : VERONIQUE NARAME - JOURNALISTE
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LE CHOIX DE LA REDACTION

 

 

ALTERNATIVES INTERNATIONALES  n° 067

Juin 2015

       Boko Haram épuise le Cameroun

Par Véronique Narame
A Maroua et Minawao
 
couverture
                  

Depuis un an, le Cameroun fait face aux assauts meurtriers de la secte nigériane Boko Haram. Et contribue, depuis 2013, à l'accueil sur son territoire de 40 000 réfugiés nigérians dans le camp de Minawao.

 

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LE CHOIX DES INTERNAUTES

JUIN 2015

Algérie / Industrie électrique et électronique : Moderniser et restructurer

Algérie  / Maritime : L'Algérie combine mer et terre

Côte d'Ivoire / Socitech Groupe : Contribuer à la digitalisation de l'Afrique

Burkina Faso / Sibiri François Yaméogo, Styliste Modéliste

Algérie / Photo reportage au Salon international du livre d'Alger

Burkina Faso / Des infrastructures performantes pour l'industrie

 

 

5 janvier 2010 2 05 /01 /janvier /2010 08:20


Fès et sa médina
...



Meknès-Fès. Enfilade de champs formés de petites parcelles cultivées et ponctuées d’arbres d’un vert tendre à sombre, aux rondeurs parfaites. Une rocailleuse carrière d’un blanc éclatant laisse entrevoir les entrailles de la terre. Au beau milieu d’un carré de cultures, une mosquée, havre où l’on se recueille. « Allahou akbar ». Dieu est le plus grand. Et l’on puise à la source de la foi la force qui permet de remuer chaque jour que Dieu fait des arpents de cette terre argileuse ocre et grasse, pour la fertiliser et l’ensemencer. Vallons plissés et sableux en arrière plan se profilant dans le lointain. Premiers pans des montagnes de l’Atlas, en contrepoint. Sombre et clair à la fois. Minéral et végétal.
Une cigogne posée sur son nid, lui-même juché sur un toit, prend son envol. Elles sont nombreuses dans les environs de Meknès et de Volubilis. Les amphibiens pullulent en effet dans ces zones humides. Les cuisses de grenouilles ne finissent ainsi pas dans un bain de friture, mais dans le bec de ces grands oiseaux.

 



fès 1Plaine du Saïs… La montagne Zalagh… Fès
. Vision nocturne d’une ville qui a revêtu ses habits de lumière pour célébrer les 1200 ans de sa fondation. Féerie  d’eau retombant en cascade dans des bassins aux contours finement ouvragés, myriades d’étoiles pour éclairer un ciel crépusculaire.

 

 

 

 

Pâtisserie La Renaissance. La foule déambule alentour. Des hommes, des femmes, et des enfants louchant sur les glaces qui se savourent insolemment en terrasse. Etals garnis de corolles de bananes, de pyramides d’oranges et d’avocats, de corbeilles de fraises, dont les maîtres fruitiers mixent à l’envi la chaire pour en servir le nectar. Arbres dont les interminables branchent s’allongent, caressant au passage les nuques et les épaules. La circulation est dense. Très dense. Elle s’organise suivant des règles et des codes totalement étrangers aux standards internationaux. Ici règne l’implicite. Rien n’est énoncé de l’attitude que doivent adopter véhicules et piétons pour circuler, mais tout est connu. Des passages protégés à la sécurité toute relative, des carrefours aux règles de priorités absconses, des dépassements à vous frapper de sidération, et tout cela, avec méthode et maîtrise. Le cadencement des feux rouges ventile les démarrages et les arrêts, les traversées et les attentes. Tout va très vite. Il faut être réactif. Très réactif même, voire nerveux. Car le mouvement est extrêmement ajusté et ne supporte aucun dérapage, aucune hésitation.Un joueur de banjo vient d’arriver. Il commence à chanter, s’approchant peu à peu de son public. Une chanson de Nass al Ghiwane s’improvise. « Moulay Mohammedi ». Le voilà déjà parti, pour un autre lieu. Il rentrera chez lui, tard dans la nuit, après des heures passées à enchanter l’esprit tourmenté, à libérer les âmes de leurs vieux démons. Et la saveur capiteuse des fruits pressés ajoutera encore à cette ivresse consommée sans calcul, dans l’instant. Carpe Diem. Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain. Ainsi en est-il, de la vie. Les Marocains l’ont compris. Ils dégustent dans la rue, la nuit, de succulentes soupes d’escargots parfumées au thym, servies dans de petits bols. Et dissertent sur l’actualité dans des kiosques à journaux, très longtemps après le coucher du soleil.

 

 

 

Tout à la fois sacrée et profane… la Medina … au cœur de la ville de Fès

 

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Les remparts ceignent la ville.

Hautes murailles érigées par les Mérinides, le peuple nomade berbère des Banu Merin.

…Plus haut, des bandes herbeuses, où paissent en toute impunité des vaches, des moutons.
Plus haut encore, un quartier d’habitations populaire. Logements où résident les anciens ruraux.
…Et en contrebas, dans le creux de la vallée, Fès, irriguée par les eaux ruisselantes de l’Atlas.

 

Fès sera capitale de royaume en 808 sous le règne de Idriss II, disputée ensuite par Marrakech durant le règne de Ibn Tachfin, puis de nouveau érigée au rang de capitale, au 12è siècle, avec les Mérinides, et au 19è siècle par Moulay Abdallah. Elle sera finalement détrônée par Rabat, en 1912, sur décision du Maréchal Lyautey.

La medina que l’on domine depuis la colline, est calme. Les maisons, blanches, quelquefois jaune pâle, savamment imbriquées les unes aux autres, ne laissent pas percevoir les rues et les venelles qui les desservent pourtant. Le minaret de Jamaâ Racif darde le ciel. Les pans des toits verts du Mausolée Moulay Idriss, et ceux de la Qaraouiyine se distinguent, dans la mêlée des terrasses et des antennes paraboliques. En arrière plan… le Zalagh.

 

fes-3.JPG   fès 4

 

En amont, le cimetière Lagbab, où reposent les défunts de la terre fassie. Espace circulant et occupé par quantité d’êtres qui l’honorent de leur présence et voisinent avec les morts, en toute courtoisie. Les barbiers campent leurs installations à proximité, et rasent les hommes. Un kiosque, un peu plus loin, et ses services TéléFax. Des marchands ambulants de fruits, de légumes et de fleurs, arrangent leurs étals. Chevaux, mulets et ânes sont menés par des mains expertes d’un bout à l’autre des allées. Et l’on se range à leur passage, lorsque l’on entend « Andek ! Balak ! » 

Une prière psalmodiée sur un coin de tombe. Prière à la mémoire d’un père, d’une mère, d’une sœur, d’un enfant. Allah iaâounek dit-on aux vivants. Que Dieu te vienne en aide.

 



Bab Fettouh. Des escaliers descendus à la hâte et déjà, la vertueuse medina dévoile ses secrets. Mille deux cent ans d’une histoire sans fin. « Roudh iqra’a wa taâllam » : « Applique toi à lire et à étudier » peut-on lire sur ce qu’il reste d’une fresque, à la porte d’entrée d’un jardin d’enfants.

Dans l’entrebâillement d’une porte sculptée par une main de maître, s’offre à la vue une architecture sans faille, ornementée de zellij, ces mosaïques qui déclinent leurs palettes de couleurs. Des patios bruisse l’eau de fontaines…


…Des balcons et des plafonds de cèdre aux reliefs sculpturaux,
des moulures de plâtre où s’entrelacent avec grâce les lettres qui composent les versets d’une sourate.
…Des fenêtres où la lumière s’insinue à travers des arabesques en fer forgé…
…Des tapis aux motifs géométriques, des cours pavées de marbre et d’onyx.
…Des lustres aux milles facettes cristallines pour parachever l’ensemble.
Nul ne pourrait apprécier la beauté de la composition
sans s’interroger sur le génie qui soutend la création.
Plus que de l’artisanat, c’est bien d’art qu’il s’agit.

 

 

fès 5  fès 6  fès 7  fes-8.JPG

 

Quartier Khrachfiyine. Une enfilade de boutiques, d’échoppes, d’ateliers, d’institutions, où tout a été pensé pour subvenir à toutes les nécessités. Se nourrir, produire, créer, réparer, soigner, éduquer, se vêtir, se recueillir, se divertir… Tout y est. Le four public où l’on cuit le pain du quartier, le fabricant de sdadir, ces canapés en bois vernis et garnis de coussins sublimes sur lesquels s’alanguit-on. Des latrines publiques. La maison spécialisée pour les aveugles. La madrassa Sahrij, autrement dit l’école du Bassin, construite au 16è siècle par le Sultan mérinide Abou al-Hassan Ali. Une autre petite école coranique où l’on apprend à une vingtaine d’enfants de trois à six ans à lire et à compter. Les échoppes où s’expose le sabr, ce fil d’aloès enroulé sur al-qasbat, la tige de roseau, et qui sera bientôt brodé sur les échancrures des jellabas et autres qaftans qu’arborent les belles.

D’un petit atelier où l’on file ce même sabr, s’échappe impunément la voix du défunt Cheb Hasni, ce chanteur de Raï algérien toujours adulé par les adolescents marocains.

Un peu plus loin, la mosquée andalouse, Jamaâ al Andalous, édifiée par la sœur de Fatima al Fihriya, celle-là même qui fut à l’origine de la création de la Qaraouiyine.

 



Le culte de l’art et de l’esprit. Retour au quartier des hadadine, un espace dédié aux forgerons. Ailleurs, on fabrique des théières, que l’on soude. Ici, l’on vend des nougats roses, verts, blancs, bruns, et sur lesquels tournoient de bourdonnantes abeilles. Et dont on tolère la présence, sans chercher à les en chasser. Les mules se croisent entre les murs des venelles. « Andek ! Balak ! » Elles transportent des poutres de bois, des piles de peaux de bêtes qui dégagent leurs fumets. Elles tirent leurs carrioles, sans répit, sous la conduite de leurs maîtres. Et l’on se range le long des boutiques pour leur faciliter le déplacement, dans ces ruelles dont on ne voit pas l’issue.

 

Autre centre d’activité, le quartier des teinturiers, hay as-sebbaghine. Draps, couvertures, pantalons, trempent dans des bains de jouvence qui leur feront bientôt retrouver l’éclat terni par les lavages. Des seaux fumants sont posés sur le sol noir de teinture. Un touriste européen fait prendre la pose à un jeune employé. A la modernité des pressing et de leur wash-machine qui envahissent désormais les villes modernes, d’aucuns voudraient encore se souvenir que dans les lointaines campagnes françaises, il y a quelques décades de cela, l’on teignait de la même manière, selon les mêmes techniques.

Un autre quartier, celui de l’artisanat du cuivre, hay as-seffarine, où s’esquissent les contours d’un plateau ciselé, d’un miroir serti de cuivre.

Un peu plus loin, un ancien foundouq devenu espace d’exposition et de vente de tapis. L’hôtel fut construit en 1360 par les Mérinides. Six cent cinquante ans plus tard, on foule encore les carreaux de mosaïque. Et l’on achète l’une de ces œuvres tissées par les Marocains du Moyen-Atlas et du sud du pays, un de ces kilims de laine rebrodé dont les motifs écrivent leur symphonie sur les rangées de nœuds. Un travail d’artiste qui requiert  de longs mois de tissage.

 

De longs mois également, avant que ne s’extrait l’essence de fleurs qui se vend dans le quartier des Aâtarine. Fleur d’oranger, jasmin, rose naturelle… les senteurs du Maghreb s’achètent par petits flacons chez les parfumeurs.

Les livres d’école ont aussi leur quartier. Et les babouches, leur galerie. Stylisées fashion, rehaussées de perles ou bordées de raphia, elles se déclinent dans toutes les dimensions et osent toutes les fantaisies. L’on apprendra au passage dans une des boutiques, qu’un jour tout brûla et que ce furent les artisans et commerçants qui s’organisèrent en coopérative pour tout restaurer. C’est cela, l’esprit medina. On compose en bonne intelligence pour faire face à l’adversité.

 

De la même manière, s’organise le quartier de la sculpture du bois, an-Najarine, cet art qui s’incruste dans l’architecture et le mobilier. Tout ce que les moucharabiehs comptent comme petites pièces géométriques de cèdre se fabrique au tour, qu’on actionne au pied, dans de petits ateliers. Tout comme les palanquins, ces sièges à porteur sur lesquels trônent les mariées, et qui prennent également forme ici.

 

Et tout cela, sous la protection du fondateur de la ville de Fès, Moulay Idriss, deuxième roi de la dynastie des Idrissides, dont le mausolée embelli encore et encore la medina, et rappelle qu’en 808, Fès était capitale d’empire.

 

Entre Bab Boujloud et la Madrassa Attarine, le restaurant Palais des Mérinides, de la dynastie du même nom, qui mène à ce gargantuesque marché où s’exposent à présent des escargots dans leur filoche, des pattes de veaux cuites dans les cendres, des oranges amères, des fromages frais s’égouttant sur un lit de feuilles, des feuilles de brick cuites dans l’instant, des pâtisseries…   

 

A proximité d’une école, des enfants, enchaînant saltos arrières, vrilles, et autres acrobaties, avec maestria. Et sans filet.

 

Fumée noire obscurcissant le ciel à l’heure où le soleil est au zénith. L’atmosphère est chargée de particules qui retombent, légères, sur le sol poussiéreux. Ici, l’on fabrique et l’on cuit la poterie. L’argile, at-tine, est mélangée à de l’eau, dans des bassins, et séjourne ainsi trois à six jours, avant de prendre forme entre les doigts du potier, qui active du pied une roue. Tajine, assiette, zellij, cendriers… la palette invraisemblable d’objets en terre est le produit de l’inspiration du potier, et de son coup d’œil. « Aâinik mizanek » : « Ton œil c’est ta balance » dit-on.

Tout est ensuite séché. Trois jours au soleil, avant la cuisson. Un premier passage au four. 700° Celsius pour raffermir la terre. Une couche de peinture ensuite, une autre d’émail.  Précision d’un mouvement qui dessine au pinceau des quadrillés, des ovales, des arrondis, des petits points et des croix, pour composer de véritables tableaux cabalistiques. Et de nouveau un passage au four, à 900° cette fois.

Dans une autre salle, des mosaïstes coupent en biseau des petits morceaux de carreaux qui seront bientôt assemblés en rosaces, en étoile et déclineront leurs motifs floraux.

 

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Al Qaraouiyine

 

Elle s’appelait Fatima bint Mohammed al Fihriya. Venue de Qairouan, en Tunisie, en l’an 858, elle fonde la Qaraouiyine, « la mosquée des Qairouanais. » Une mosquée dédiée à la célébration de la prière, une université consacrée à la grammaire et à la rhétorique de la langue arabe, aux mathématiques et à la physique, à l’astrologie. La première université au monde.

 

Tout à la fois spirituelle et intellectuelle, depuis douze siècles, elle règne, souveraine, au cœur même de la medina, à Fès al Bali, l’ancienne ville. Surplombant depuis la hauteur de son minaret tous les autres sommets. 

Et depuis, elle est l'objet de tous les égards. Chaque dynastie régnante, chaque prince bâtisseur aura apporté sa pierre à l'embellissement de ce joyau de l'art arabo-andalou.

 

Elle sera érigée au rang de mosquée cathédrale près d'un siècle plus tard. Un émir s'adjoindra le soutien financier du Calife mécène de Cordoue Abderrahmane III pour rehausser l'ensemble d'un minaret. Embellie et agrandie sous le règne des Almoravides, elle sera enrichie d'une nef et de coupoles empreintes de cet extraordinaire esthétisme de l'Espagne musulmane. Sous le règne des Almohades, la Qaraouiyine sera de marbre et de bronze magnifiée. De vasque et de lustres sera-t-elle ornementée, pour célébrer l'eau et la lumière, et purifier l'âme, et éclairer la conscience, et ajouter encore à la beauté de l'édifice. Plus tard, un sultan scellera les contours définitifs de la mosquée université, en la hissant au firmament des mosquées du Maghreb. Saadiens et Alaouites prodigueront enfin leurs attentions, pour ennoblir encore et encore le prestigieux héritage.

 

D'éminents personnages y suivront leurs études et ne tarderont pas à enrichir le patrimoine de la pensée universelle. Le Pape Sylvestre II sera l'un d'eux. De 999 à 1003, il étudiera dans son enceinte et ramènera en Europe les chiffres arabes. Hassan al-Wazzan, dit Léon l'Africain, diplomate et explorateur marocain né en 1488 en Espagne y séjournera également. C'est à la Qaraouiyine qu'il recevra un enseignement théologique. Et Ibn Khaldoun, initiateur de la sociologie politique, se rendra également à Fès pour parachever sa formation intellectuelle. Entre 1372 et 1374, il y écrira un livre sur le soufisme.


 

 


Bab Boujloud… Place Pacha al Baghdadi

 

 

Monumentale agora où la noria de la foule et des taxis creuse son sillon. Sept portes délimitent l’accès de l’antique enceinte. Des arcades soulignent l’ouvrage. Grandeur d’une place dont les murailles s’élèvent magistralement. Des créneaux aux découpes semblables à des pointes de crayons rehaussent encore davantage l’ensemble.



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