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  • : VERONIQUE NARAME - JOURNALISTE
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LE CHOIX DE LA REDACTION

 

 

ALTERNATIVES INTERNATIONALES  n° 067

Juin 2015

       Boko Haram épuise le Cameroun

Par Véronique Narame
A Maroua et Minawao
 
couverture
                  

Depuis un an, le Cameroun fait face aux assauts meurtriers de la secte nigériane Boko Haram. Et contribue, depuis 2013, à l'accueil sur son territoire de 40 000 réfugiés nigérians dans le camp de Minawao.

 

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LE CHOIX DES INTERNAUTES

JUIN 2015

Algérie / Industrie électrique et électronique : Moderniser et restructurer

Algérie  / Maritime : L'Algérie combine mer et terre

Côte d'Ivoire / Socitech Groupe : Contribuer à la digitalisation de l'Afrique

Burkina Faso / Sibiri François Yaméogo, Styliste Modéliste

Algérie / Photo reportage au Salon international du livre d'Alger

Burkina Faso / Des infrastructures performantes pour l'industrie

 

 

18 décembre 2009 5 18 /12 /décembre /2009 19:16

Les Maoussim

le sacre de l’esprit et de l’infiniment beau 

 


Au Maroc, ont lieu les Maoussim, des évènements tout à la fois religieux, festifs, et artistiques, qui rompent avec le rythme soutenu imposé par les formats de la vie contemporaine. Une tradition qui a traversé les siècles, et  maintient en usage les fondements d’une culture séculaire qui puise à la source de ses richesses naturelles, patrimoniales et spirituelles.

Zoom sur ce cérémonial qu’entretient avec force et majesté le Royaume chérifien.

 

 

Jbel Âlem, dans les montagnes du Rif, au Nord du Maroc… Une longue procession se dirige à l’endroit même du sanctuaire du grand saint de l’Islam soufi Abd as-Salâm ibn Mashîsh, inspirateur de la confrérie, la Tariqa Shâdhiliya…


Un ensemble polyphonique entonne les chants sacrés.

« As-Salam âla Rassoul Allah... Ilah jah ila jah saidna Mohammed… »

image002.jpg


La foule s’installe à proximité du mausolée de celui qui diffusa voilà plus de 800 ans l’esprit du soufisme. Et chaque année, en juillet, les Chorfas Alamiyine, dignitaires religieux, célèbrent le moussem de ce saint idrisside, issu de la lignée d’Al Hassan, fils de Fatima et de Ali, gendre du prophète. L’on vient de loin pour effectuer des jours durant ce pèlerinage sur ce lieu de culte et de méditation. Plus tard, dans la nuit, s’installent les fidèles sous la tente caïdale, à proximité de la zaouïa, le centre spirituel soufi. Et le Shaykh, grand maître de la Tariqa, prononce l’oraison, soutenu dans sa prière par une morchidate, jeune femme prédicatrice de l’Islam. Puis se lève l’assemblée pour scander le nom de Dieu, appelé dans un souffle, lors du rituel du Dhikr, l’invocation de prières prophétiques. Sera à d’autres moments organisé le Samaâ, une audition composée de poèmes inspirés, dont seront déclamés les stances à la gloire d’Allah, par des musiciens dépositaires de cet art raffiné tout empreint de mystique, le Tarab Andalousi.

L’auditoire sera transporté vers des contrées où la majesté de Laïla n’a d’égal que l’indéfectible amour que lui voue Qays. Mohammed Mohssen Zeggaf l’un des chantres de cette musique arabo-andalouse d’essence marocaine explique : « Le Tarab, cela vient de l’âme. C’est un chant soufi inspiré par l’amour divin, qui transmet cette émotion exaltée. »

 

FFCS-affiche.jpgLa mémoire des grands personnages de la spiritualité soufie est ainsi révérée au Maroc, et au Maghreb en général, lors des maoussim. Faouzi Skali, initiateur à Fès du Festival de la culture soufie, témoigne. « Ces fêtes sont intrinsèquement liées à la mort d’un wali salih ou à la commémoration d’un shaykh d’une Tariqa soufie, littéralement la Voie soufie. Cela donne lieu à un pèlerinage annuel ponctué d’incantations ou dhikr, de chants spirituels, et de lectures de textes sacrés. C’est une expression culturelle populaire emblématique de la grande tradition du Soufisme qui traverse toutes les cultures. »

Parmi ces innombrables fêtes religieuses qui se déroulent autour d’une pléiade de sanctuaires, citons le moussem Moulay Idriss, saint patron de la ville de Fès, ceux de Ouarzazate et Zagora dans quantités de zaouïas, ou celui de Moulay Idriss Zarhoun à Meknès. La ville de Guelmim, au sud du Maroc organise quant à elle les maoussim Sidi El Ghazi et Darkaouia. Et les confréries religieuses sont réunies à cette occasion.

 

Ces instants de communion, d’allégresse partagées en souvenir de ceux dont les hauts faits ont marqué les esprits, auront pour vocation de réaffirmer la conscience de la présence sur cette terre comme éphémère, en créant conséquemment d’éclatantes pages de lumière. L’intention sera de créer un climat, une ambiance, qui prédisposent à l’élévation de l’être, à la recherche de l’excellence du caractère, à l’acceptation de son semblable. Pour tendre à  cette sagesse qui privilégie la paix au conflit. Pour le bien être de la communauté humaine.

 

C’est pourquoi le moussem va être une scène tout à la fois dédiée à la spiritualité, à la liesse et à la beauté. « Ce sont des temps festifs, des moments de bonheur partagés, qui procurent à l’âme cette ivresse, al khamra, cette extase qui donne sens à l’idée d’un accomplissement de l’être humain dans la société par sa relation au divin. L’on s’attachera en conséquence à la recherche de la noblesse du geste et du comportement, des valeurs spirituelles et à magnifier ce qu’offre la nature. C’est l’une des portes par laquelle se révèle la divinité, se manifeste en quelque sorte al hadra, la présence de Dieu » atteste Faouzi Skali.

D’éloquentes démonstrations de virtuosité seront à cet effet mises en exergue, comme lors du moussem Moulay Abdallah Amghar à Al Jadida, où de vertueux cavaliers mènent Fantasia, cet art « théo-martial » équestre qui requiert tout à la fois témérité, adresse et loyauté, tandis que les maîtres fauconniers kouassems s’adonnent à leur discipline. L’on honorera ailleurs avec la même ferveur le talent et les qualités mobilisés par les artisans tisserands, tanneurs, dinandiers, forgerons, cordonniers, pour accomplir leurs œuvres.

 

Sera ainsi organisé une infinitude d’évènements -sacrés et profanes- qui portent haut la pensée et les splendeurs que recèle l’humanité, pour honorer la vie, et sublimer ce lien cosmique avec la nature. Si l’on réfère du reste à l’étymologie du mot « moussem », il provient, comme l’explique le Professeur Hayat Dinia, géographe et urbaniste à l’Université de Rabat, de l’Arabe « maoussim », traduit par « saison », et a donné « mousson » qui signifie en Asie « pluies saisonnières ». « Cette fête saisonnière annuelle était au départ liée au cycle agricole » précise l’universitaire.

Lors, vont de cette manière être fêtées les récoltes. Car l’on sait, ici, au Maroc, que ces moments sont éphémères et qu’il faut par conséquent les célébrer, pour que demeurent longtemps, le souvenir de ce fugace enchantement. Ce que confirme Fatema Mernissi, auteurs des Sinbads Marocains, qui constate combien ces rituels sont éminemment fondateurs pour qui veut « orchestrer son désir en rêve mythique et se créer sa propre magie. ». Les ressources naturelles, miroirs qui reflètent la munificence de la création, vont ainsi être portées au firmament des richesses immatérielles, pour provoquer cet émerveillement perpétuel qui permet à l’être de s’abandonner à la contemplation de l’infiniment beau. Et les acteurs et spectateurs de ce grand théâtre qui se déroule à ciel ouvert consacreront suivant les régions les fleurs, les fruits, les arbres, le miel, la cire…

197 9787A Kelaa M’Gouna, ce sont les roses que l’on encense, lors du moussem éponyme. Chars fleuris, danseurs de sabre et musiciens suivent la procession, avec à leur tête, Malika Al Ouard, la Reine des Roses et ses colliers aux capiteuses effluves. A Sefrou, le moussem de Heb Lemlouk ou festival de la fête des cerises, a lieu quant à lui au début du mois de juin de chaque année, et ce depuis 1920. Durant trois jours, la ville s’anime de danses, de chants et de défilés. Le moussem d’Imilchil, dans le Haut Atlas, commémore pour sa part le Saint Marabout Sidi Ahmed Oulmaghni, auprès duquel les bergers sollicitaient la baraka. Après une année de labour, de moissons et de cueillettes, s’ouvre ainsi un nouveau cycle que l’on escompte plus favorable que les précédents et qui donne lieu à des festivités, parmi lesquelles la célébration de la légende des fiancés d’Imilchil durant laquelle on procède à la cérémonie de mariage de jeunes époux.  

 

En d’autres lieux, la culture et l’art seront mis en parangon des vertus qui éduquent à la sensibilité. Asilah et son moussem culturel international en est le plus illustre exemple. Depuis plus de 30 ans, la ville océane revêt ses habits de lumière et colorise ses murs, et célèbre les rencontres des civilisations du monde. Artistes peintres, muralistes, mosaïstes, poètes et penseurs du monde entier viennent annuellement en pèlerinage à Asilah. Une université d’été s’inscrit également dans ce mouvement tout à la fois intellectuel et artistique, et dont l’intention affichée est de renforcer le dialogue interculturel et de consacrer les valeurs de paix et de tolérance. Ce festival, désormais considéré comme le plus grand évènement culturel et intellectuel du monde arabe et africain, propose ainsi des séances de peintures murales, des joutes poétiques, des ateliers d’art graphiques, de gravure et de céramiques, ouverts à tous -esthètes et néophytes.

 

Assurément la tradition marocaine des maoussim n’a pas fini d’essaimer ses bienfaits auprès de tous ceux qui tendent à la plénitude de l’être et de l’âme, et veulent ainsi préserver cette subtile harmonie entre l’homme et l’univers.

 


  Ensemble Moultaqa Salam   Hissa Soufia
   

   Ensemble Ibn Arabi  Âaraft al-hawa (حب الله (عرفت
 
                                                      
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