A la conquête du monde
Quand Tanger-Med fait des émules ! En Méditerranée ou dans l'océan atlantique, les ports marocains affichent des ambitions à la hauteur de la position stratégique du royaume
chérifien.
Le Maroc, qui comptabilise à lui seul 34 ports -dont 13 sont ouverts au commerce international- est en pole position pour prendre le leadership des opérations de navigation en Afrique et
en Méditerranée. Et plus encore, avec Tanger Med, pour partir à la conquête du grand international.
« La politique menée par le Maroc pour accroître la compétitivité des ports de commerce est basée sur l’encouragement de l’initiative privé. A cet égard, une réforme du secteur portuaire est entrée en vigueur en décembre 2006, dans l’objectif de rehausser la compétitivité des ports marocains par rapport aux standards internationaux, et d’améliorer par conséquent la compétitivité du commerce extérieur du pays » atteste Jamel Mohammed Benjelloun, directeur de l’ANP, l’Agence Nationale des Ports du Maroc. Une politique qui corrobore de surcroît l’option prise à l’échelle mondiale de favoriser la navigation pour réduire les coûts et augmenter la productivité des opérations d’import-export -en limitant dans le même temps l’augmentation des émissions de CO2.
Pour conforter leur place de leader sur l’échiquier du commerce maritime atlantico-méditerranéen, les autorités marocaines ont confié l’administration de tous les ports -sauf celui de Tanger- à l'Agence nationale des ports du Maroc (ANP). Sa mission : réguler le secteur portuaire, octroyer concessions et autorisations, assurer la maintenance et le développement des ports nationaux. La partie prestations commerciales, incombe quant à elle à la Société d’exploitation des ports (SODEP), ainsi qu'à la société Marocaine des Ports SOMAPORT et à d’autres opérateurs publics et/ou privés concessionnaires de terminaux portuaires.
Quant à la gestion du transport maritime et des services portuaires, elle a été attribuée en 2007 au groupe maritime CMA-CGM, troisième armateur mondial dans le transport de conteneurs. Ses services réguliers desservent les ports d’Agadir, de Casablanca, et celui de Tanger aujourd’hui doté d’un nouveau terminal portuaire. « Concernant les marchandises, le Maroc dispose de lignes sur l’axe atlantique en direction du Portugal, de l’Espagne, de la France, de la Belgique, des Pays-Bas, de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, et sur l’axe méditerranée avec l’Espagne, l’Italie et Malte » précise le groupe. Des rotations sont également effectuées avec Nouakchott (Mauritanie), Dakar (Sénégal), Banjul (Gambie), Freetown (Sierra Léone) et Monrovia (Libéria). Le transport de passagers occupe, lui aussi, une place importante et ce trafic est en pleine progression.
En septembre 2007, le trafic portuaire national atteignait 54,1 millions de tonnes, soit une progression de 6,3 % par rapport à l’exercice précédent. Une hausse qui s’explique par l'augmentation de 6,6 % des importations et de 5,9 % des exportations.
Tanger Med, le hub de la Méditerranée. « Posée comme en vedette sur la pointe la plus au nord de l’Afrique » écrivait Pierre Loti en 1889, Tanger est en position de force pour dynamiser les échanges atlantico-méditerranéens. « La méditerranée est devenue un espace de transit considérable avec des trafics incessants de marchandises se déplaçant entre le canal de Suez et le Détroit de Gibraltar. Près de 20 % des flux mondiaux de conteneurs traversent actuellement le Détroit de Gibraltar sur l’axe Est–Ouest. Les flux de transit permettent de renforcer la fonction « carrefour » de la Méditerranée en lui assurant une meilleure intégration logistique avec la zone Asie Pacifique, avec l’Europe du Nord et avec le continent américain » déclarait en décembre 2007 Saïd El Hadi, Président du directoire TMSA, l’Agence Spéciale Tanger Méditerranée.
Porte du Maroc et de l’Afrique, la ville blanche s’organise pour devenir le principal centre d’affaires international du bassin sud méditerranéen, avec Tanger Med, le plus grand port de transbordement africain. Situé sur la rive sud du Détroit de Gibraltar, c’est le projet phare. Ancré au Top mondial des ports en eaux profondes, il comptera parmi les principales plateformes portuaires à conteneurs en méditerranée et en atlantique. Intégré dans un circuit logistique international, il rayonnera sur l’Europe de l’Ouest, l’Afrique et la Côte Est de l’Amérique.
Le complexe portuaire comprend trois terminaux à conteneurs d’un tirant d’eau de 16 à 18 mètres, un terminal à hydrocarbures, un port roulier avec 4 postes Ro-Ro pour le transport de poids lourds ou de remorques, un terminal céréalier et un autre pour les hydrocarbures, ainsi que trois zones franches d’activités industrielles, logistiques et tertiaires.
« Fer de lance d’une plateforme intermodale efficace, le Port de Tanger Med offre des installations ultramodernes et des services de tout premier plan » atteste TMSA. Les grands groupes et les entreprises étrangères l’ont compris en s’implantant dans la zone franche. L’on annonçait d’ailleurs en janvier 2008 la signature d’un accord avec Renault, pour la réalisation d’un projet d'implantation d'un complexe industriel dans la free zone de Tanger Med.
Situé à 15 kms de l’Europe
Coût du projet : 155 millions d’Euros
Zone de chalandise de proximité : 600 000 millions de personnes
Trafic annuel prévisionnel d’ici 2015 : + de 8 millions de conteneurs EVP
7 millions de passagers
700 000 camions
2 millions de véhicules
10 millions de tonnes d’hydrocarbure
Le développement de la marine marchande va crescendo. Onze ports sont dédiés au commerce. Il s’agit de Nador, Tanger, Kénitra, Mohammedia, Casablanca, Jorf-Lasfar, Safi, Agadir, Tan Tan, Laâyoune et Dakhla.
Le complexe portuaire de Casablanca, au carrefour des grandes lignes de transport maritime, traite près de 35% des échanges extérieurs du Maroc, et notamment avec la Chine qui comptait pour environ 50% dans les flux de marchandises, en 2006. C’est à la fois un port de commerce (Ro-Ro, céréales, agrumes, primeurs, ciments, huiles, charbon, phosphates…), de tourisme et de pêche. Il dispose en outre d’un chantier naval.
Jorf Lasfar est l'un des grands ports minéraliers d'Afrique. Il est essentiellement affecté à l’import-export de produits phosphatiers, énergétiques et conventionnels (phosphates, engrais, charbon, soufre, acides et ammoniac, hydrocarbures, gaz…) et sera prochainement équipé d’un parc industriel. Mohammedia est quant à lui le premier port pétrolier et cumule également une activité de pêche. Le complexe portuaire d’Agadir est -entre autres activités- la plaque tournante du commerce d’agrumes, avec plus de 4000 tonnes de marchandises exportées en Europe et au Canada. Et Laâyoune, l’un des premiers ports de pêche et premier port sardinier d’Afrique, avec près de 40 % du tonnage des débarquements nationaux de la pêche côtière et artisanale en 2005. A noter également qu’on y exporte du sable.
Ports de pêche : une orientation halieu-industrielle. La pêche n’est pas une activité subalterne au Maroc, loin s’en faut. Le potentiel halieutique est en effet l’un des plus riches du monde. « La production est passée à plus d'un million de tonnes en 2001. Les exportations des produits de la mer rapportent annuellement à l'économie un milliard de dollars et représentent 15 pour cent de la valeur totale des exportations » confirme le Ministère marocain des pêches.
Onze ports sont dédiés à la pêche -Ras Kebdana, Al Hoceima, Jebha, M’diq, Ksar Sghir, Larache, El Jadida, Essaouira, Sidi Ifni, Tarfaya et Boujdour- auxquels s’ajoutent certains ports polyvalents. L’activité est structurée pour l’exportation de ces ressources qui approvisionnent les étals des marchés du monde. Les poissons en conserve sont ainsi destinés principalement aux clients d’Europe avec 44 % du total exporté, d’Afrique (40 %), et dans une moindre mesure du Moyen Orient et d’Amérique.
Vitesse de croisière pour les ports de plaisance. Saidia, Kabila, Restinga-Smir, Asilah, Sables d’or, Bouregreg et Marina d’Agadir : sept ports qui s’inscrivent dans le Plan Azur pour la promotion du tourisme. Il y a ceux qui entament leur mue pour bientôt se transformer en marina, en port de plaisance et ceux dont la consécration n’est plus à faire.
Rabat et le projet d’aménagement du fleuve Bouregreg aboutira quant à lui à la création d’une cité lacustre. Une séquence pilotée par le groupe CDG et la holding Sama Dubaï qui réalisent en outre une marina fluviale, un port de plaisance, des complexes hôteliers et la Cité des arts et des Métiers. La valorisation de la corniche constituera l’ultime étape de cette métamorphose de la capitale du Maroc. Elle sera entreprise par le groupement émirati Eaâmar Properties PJSC.
Saïdia est l’un des autres grands port de plaisance, avec la station touristique Mediterrania Saïdia. Et Marina Agadir, nouvellement créée, ville étape de la Première Transat Classique, en août 2008.
Paru dans Arabies, Mensuel du monde arabe et de la francophonie - N° 251 - Mars 2008